Habitat partagé : ce que la France peut apprendre du modèle danois

Benjamin Blazy
July 10, 2025

La France fait face à un double défi : une population vieillissante et une pénurie structurelle de places en EHPAD. En 2030, un Français sur trois aura plus de 60 ans. Le nombre de personnes dépendantes augmentera de 40 % d'ici 2040, tandis que la capacité d'accueil en maisons de retraite reste figée, faute de financements et d'attractivité. Dans ce contexte, une nouvelle catégorie d'habitats  émerge : entre le domicile  et l'institution médico-sociale, des lieux de vie partagés, humains, intégrés au tissu local. Le Danemark offre un modèle inspirant, qui a fait ses preuves depuis plus de quarante ans.

Les origines du cohousing au Danemark

Le cohousing, ou habitat participatif, naît au Danemark dans les années 1960. Des groupes de citoyens, lassés de l'isolement des logements traditionnels, conçoivent des habitats collectifs où chacun dispose d'un logement privé mais partage des espaces communs. Le premier habitat senior spécifique voit le jour en 1987 à Midgården, créé par deux femmes de 60 ans souhaitant vivre une retraite active, solidaire et sécurisée.

Une politique publique cohérente

En 1987, sous l'impulsion du ministère danois des Affaires sociales dirigé à l'époque par Aase Olesen, le Danemark prend une décision historique : cesser progressivement la construction de maisons de retraite classiques au profit de formes d'habitat seniors plus humains et ancrées dans la vie locale. Cette politique s'inscrit dans une stratégie plus large de désinstitutionnalisation du grand âge. L'État met en place un système de financement incitatif : les projets de logements coopératifs, y compris pour personnes âgées, peuvent bénéficier de subventions couvrant jusqu'à 80 % des coûts de construction. Ces crédits sont gérés localement par les municipalités, qui deviennent de véritables chevilles ouvrières du déploiement territorial. Certaines villes comme Aarhus, Odense ou Roskilde prennent rapidement le leadership en facilitant l'accès au foncier, en soutenant les coopératives d'habitants et en pilotant des projets exemplaires. C'est cette alliance entre volonté politique nationale, ancrage communal fort et soutien opérationnel qui permet l'émergence d'un véritable écosystème d'habitats partagés pour seniors au Danemark.

Les principes du modèle danois

Un habitat partagé danois accueille entre 6 et 12 personnes. Chaque résident dispose de son logement individuel et participe à la vie commune :

  • repas partagés,
  • entretien des lieux,
  • activités collectives.

La gouvernance est collégiale. Le projet est co-construit avec les futurs résidents, souvent en lien avec des architectes, des coopératives et les communes. Le lieu reste un domicile, non médicalisé, mais avec des services adaptés si nécessaire.

Parmi les exemples notables, on peut citer le projet de Bofællesskabet Kløverbakken à Odder, près d’Aarhus, inauguré en 2014, qui accueille 28 logements intergénérationnels avec un fort noyau de résidents seniors. Autre exemple emblématique, Sættedammen, la toute première communauté de cohousing du pays, ouverte en 1972, qui a servi de modèle pour de nombreux projets ultérieurs. Dans le registre des habitats exclusivement seniors, Midgården, fondé en 1987 à Høje-Taastrup, reste une référence pour son autogestion et son fort ancrage communautaire. Ces lieux incarnent concrètement les principes du cohousing danois : taille humaine, vie partagée, autonomie renforcée.

Cohouse dans la banlieue de Copenhague, à Roskilde.

Des résultats probants

Aujourd'hui, plus de 8 000 personnes âgées vivent en habitat partagé au Danemark. Les évaluations montrent :

  • Une baisse de 30 % des hospitalisations des plus de 67 ans,
  • Un recul des entrées en EHPAD,
  • Un bien-être accru, grâce au lien social et à l'autonomie conservée.

Au-delà de l'habitat, le modèle danois repose sur une vision globale de l'accompagnement du vieillissement. Il articule logement, prévention, lien social et accès aux soins légers dans une logique de proximité. Les services à la personne sont intégrés dans le quotidien sans déposséder les résidents de leur autonomie. Des infirmiers référents de quartier, des coordinateurs sociaux et des animations collectives soutiennent le bien-vivre et évitent le basculement vers la dépendance lourde. Ce modèle systémique, appuyé sur une forte coordination locale, permet de penser le grand âge autrement : non comme une phase de déclin à gérer, mais comme un temps de vie à organiser collectivement.

Les clés de réussite du modèle

1. Une vision politique claireLa volonté de désinstitutionnaliser le grand âge a permis un pilotage cohérent des politiques publiques.

2. Un cadre juridique et financier stableLe recours aux coopératives, des baux abordables et un soutien fort aux projets favorisent la stabilité.

3. Une implication des résidentsLe "chez-soi" collectif devient un levier d'empowerment et de responsabilisation.

4. Un ancrage local fortLes habitats sont insérés dans des quartiers vivants, proches des services, écoles et commerces, pour éviter l'isolement.

Le modèle danois n'est pas un mirage nordique. C'est une réponse concrète aux limites du tout-EHPAD ou tout domicile. Il montre qu'un habitat digne, choisi, collectif et soutenant est possible. En France, les conditions sont réunies pour accélérer cette transition, à condition d'articuler volonté politique, soutien opérationnel et culture du lien. 

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